jueves, 10 de diciembre de 2015

La petite fille aux allumettes (conte de Noël)





La petite fille aux allumettes

Hans Christian Andersen (1805-1875)

Il faisait vraiment très, très froid ce jour là; il neigeait depuis le matin et maintenant il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait pieds nus dans la rue. Lorsqu'elle était sortie de chez elle ce matin, elle avait pourtant de vieilles chaussures, mais des chaussures beaucoup trop grandes pour ses si petits pieds. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle courut pour traverser devant une file de voitures; les voitures passées, elle voulut les reprendre, mais un méchant gamin s'enfuyait en emportant l'une d'elles en riant, et l'autre avait été entièrement écrasée par le flot des voitures.

Voilà pourquoi la malheureuse enfant n'avait plus rien pour protéger ses pauvres petits petons.
Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes: elle en tenait une boîte à la main pour essayer de la vendre. Mais, ce jour-là, comme c'était la veille du nouvel an, tout le monde était affairé et par cet affreux temps, personne n'avait le temps de s'arrêter et de considérer l'air suppliant de la petite fille.
La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu une seule boîte d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.

Des flocons de neige couvraient maintenant sa longue chevelure. De toutes les fenêtres brillaient des lumières et de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur de volaille qu'on rôtissait pour le festin du soir.

Après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçut une encoignure entre deux maisons. Elle s'y assit, fatiguée de sa longue journée, et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds: mais elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose pas rentrer chez elle.
Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait.

L'enfant avait ses petites menottes toutes transies.

"Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts?"

C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, comme elle en avait aperçut un jour. La petite fille allait étendre ses pieds vers ce poêle pour les réchauffer, lorsque la petite flamme de l'allumette s'éteignit brusquement et le poêle disparut. L'enfant resta là, tenant dans sa main glacée un petit morceau de bois à moitié brûlé.

Elle frotta une seconde allumette: la lueur se projetait sur la mur qui devint transparent. Derrière cette fenêtre imaginaire, la table était mise: elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de pommes sautées: et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau et avec une fourchette, vient se présenter devant la pauvre petite affamée. Et puis plus rien: la flamme de l'allumette s'éteint.

L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un splendide arbre de Noël. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs: de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite fille étendit la main pour en saisir une: l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles. Il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une trainée de feu. "Voilà quelqu'un qui va mourir" se dit la petite.
Sa vieille grand-mère, la seule personne qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte tout récemment, lui avait raconté que lorsqu'on voit une étoile qui file vers la terre cela voulait dire qu'une âme montait vers le paradis.

Elle frotta encore une allumette: une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère. - Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh! tu vas aussi me quitter quand l'allumette sera éteinte: tu vas disparaître comme le poêle si chaud, l'oie toute fumante et le splendide arbre de Noël. Reste, s'il te plaît!... ou emporte-moi avec toi.

Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir sa bonne grand-mère le plus longtemps possible. Alors la grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni froid, ni faim, ni chagrin.

Le lendemain matin, les passants trouvèrent sur le sol le corps de la petite fille aux allumettes; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire : elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.

- Quelle petit sotte! dit un sans-cœur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait?
D'autres versèrent des larmes sur l'enfant; mais ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant, dans les bras de sa grand-mère, la plus douce félicité.


Jacques Prévert Le Bonhomme de neige



Marseille




viernes, 2 de octubre de 2015

"Pagnol, c'est le poète de Marseille, il est Marseille."


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"Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers"

( Garlaban, c'est une énorme tour de roches bleues, plantée au bord du plan de l'Aigle, cet immense plateau rocheux qui domine la verte vallée de l'Huveaune.)

C’est par ces images que Marcel Pagnol commence ses Souvenirs d’enfance. Si l’on veut comprendre son œuvre, il faut d’abord étudier son enfance et marcher sur les pas du petit Marcel dans les paysages de la Provence dont il a su capturer l’essence profonde et la beauté de son âme paysanne. 


Marcel Pagnol naît le 28 février 1895 à Aubagne, près de Marseille. Fils de la jolie et tendre Augustine et de Joseph, instituteur de l’école laïque ayant comme mission d’inculquer aux petits Français la morale et les valeurs républicaines, Marcel vit heureux à Marseille, où son père est nommé instituteur, choyé par ses parents, sa tante Rose et son oncle Jules. En 1904, Joseph et l’oncle Jules annoncent à la famille qu’ils ont loué une villa, au-delà du petit village de la Treille  pour y passer le temps des vacances. Pagnol en parlera dans La Gloire de mon père  : «Alors commencèrent les plus beaux jours de ma vie. La maison s’appelait La Bastide Neuve mais elle était Neuve depuis bien longtemps».  Il s’agit d’un événement capital dans la vie de Pagnol car dans ce lieu enchanteur et enchanté le petit Marseillais et son frère Paul arpenteront les collines et découvriront la vraie liberté. «Ici, le bonheur coulait de source, simple comme bonjour».

 Marcel Pagnol raconte dans les trois volumes qui composent son autobiographie (La Gloire de mon père, Le Château de ma mère, Le Temps des secrets) son enfance et son adolescence provençales.


Quand on ouvre la Gloire de mon père, puis le Château de ma mère et le Temps des secrets, on est immédiatement transporté en Provence au milieu des garrigues, des collines, de l'odeur du thym, des cigales, et on entend chanter l'accent du sud... et surtout, on est transporté au siècle dernier : c'était un siècle où l'instituteur était un Monsieur, où les enfants étaient naïfs, innocents et respectueux, un siècle sans télévision, portable ou ordinateur où on partait marcher, chasser,et pique-niquer en costume et jupe longue ! C'était au temps de la troisième République fraternelle et laïque triomphante et Marcel aimait sa maman d'un amour fusionnel...
Cette belle trilogie fait partie de mes premières lectures de collège et reste gravée dans ma mémoire, synonyme d'enfance, de nostalgie, de candeur et de tendresse !

Un petit passage de "La gloire de mon père":
 
" Ce que j’écoutais, ce que je guettais, c’était les mots : car j’avais la passion des mots ; en secret, sur un petit carnet, j’en faisais une collection, comme d’autres font pour les timbres.
J’adorais grenade, fumée, bourru, vermoulu et surtout manivelle : et je me les répétais souvent, quand j’étais seul, pour le plaisir de les entendre.
Or, dans les discours de l’oncle, il y en avait de tout nouveaux, et qui étaient délicieux : damasquiné, florilège, filigrane, ou grandioses : archiépiscopal, plénipotentiaire.
Lorsque sur le fleuve de son discours, je voyais passer ces vaisseaux à trois ponts, je levais la main et je demandais des explications, qu’il ne me refusait jamais. C’est là que j’ai compris pour la première fois que les mots qui ont un son noble contiennent toujours de belles images." 

Un extrait du film:


Quand  ma  mère  allait  au  marché,  elle  me  laissait  au  passage  dans  la  classe  de mon  père qui apprenait  à  lire à  des  gamins  de  six  ou  sept  ans.  Je  restais  assis  au fond,  bien  sage  et  j’admirais  la  toute  puissance  paternelle.

Bien. Un  beau  matin,  ma  mère me  déposa à  ma  place  et  sortit  sans  mot  dire,  tandis que  mon  père...

-Non,  c’est  pas  vrai!

-Qu’est  ce  que  tu  dis?

-Maman  m’a  pas  puni.Tu  n’as  pas  bien  écris.

-Qui  t’a  dit  qu’on  t’avait  puni?


-C’est  écrit là!

-Voyons,  voyons,  tu  sais  lire?

-Oui


-Voyons,  voyons,  mais...  et  bien,  lis!

-La  maman  a  puni  son  petit  garçon qui  n’était pas sage.  Le  papa  est  fier  de  son  petit  garçon  qui  sait  lire.  Ça,  ça  veut  dire  que  tu  m’aimes  bien?

-Tu  n’as  pas  mal  à la  tête?

-Non.

-Quand  a - t-’il  lu  pour  la  dernière fois?

-Hier  matin,  le  couvercle  d’une  boite  de  savon .

-Et  depuis? Rien.

-Et  non. Votre  sœur ne  veut  plus.

-C’est  pour  son  bien.  Vous  allez  lui  faire  exploser  la  cervelle.

-Maman,  j’suis  malade?

-Mais  non.  Reprends  de  la  tarte.

-Une  explosion  cérébrale.  C’est  ridicule,  voyons.

-Je  ne  veux  plus  que  Marcel  rentre  dans  une  classe  ni  même  ouvre  un  livre  avant  l’âge  de  six  ans.  Laissez-le  encore  un  peu  faire  l’enfant.





Pink Spinning Heart Within A Heart France Pointer